L'Ours brun des Pyrénées
Sur la Liste rouge des espèces menacées en France de l’IUCN, l’ours brun, Ursus arctos, est classé « en danger critique d’extinction», soit l’une des 2 seules espèces de mammifères en France dans cette catégorie.
L’ours brun (Ursus arctos) est le plus grand mammifère français, mais aussi le plus menacé. Avec une vingtaine d’individus présents dans les Pyrénées, il est condamné à disparaître de ce massif sans nouvelle réintroduction.
Pourtant, depuis qu’il est présent en Europe, l’ours brun n’a jamais disparu des Pyrénées. Le grand tournant pour l’ours des Pyrénées date de 1996-1997. A ce moment là, alors qu’il ne restait plus qu’une demi-douzaine d’ours dans les Pyrénées, trois ours slovènes ont été relâchés afin de renforcer la population autochtone.
Cette opération connut un succès biologique incontestable, mais aussi une opposition d’une partie du milieu de l’élevage.
Toutefois, malgré les nombreuses naissances d’oursons constatés, la population était encore insuffisante pour assurer sa viabilité à long terme. C’est ainsi qu’un renforcement de la population eut lieu en 2006, avec le lâcher de 5 nouveaux ours slovènes. Après avoir été réduite à un unique noyau autochtone de 5 individus seulement au milieu des années 1990, la population d’ours bruns des Pyrénées compte actuellement une vingtaine d’individus grâce à la réintroduction de 8 ours slovènes. L’adaptation des ours relâchés, les naissances constatées in situ ou la colonisation de nouveaux territoires nous rappellent qu’en terme d’habitats favorables, le massif pyrénéen n’a rien à envier aux Monts Cantabriques en Espagne ou à la chaîne des Abruzzes en Italie. Les Pyrénées sont toujours favorables à l’ours brun.
Une population encore trop fragile
Malgré ces éléments positifs, la population actuelle est encore trop fragile et réduite pour espérer pouvoir se maintenir à long terme. Dès lors, le maintien de l’ours brun dans les Pyrénées et l’établissement d’une population viable ne dépendent que de nous. Ainsi, il est plus que jamais nécessaire de poursuivre le renforcement de la population dans les Pyrénées centrales mais surtout dans les Pyrénées occidentales, où ne subsistent plus que
3 ours mâles adultes. Si de nouveaux lâchers s’avèrent indispensables pour sauver l’ours des Pyrénées, la création de vastes zones de tranquillité, interdites aux battues avec chiens courants, l’est tout autant, notamment dans les zones-refuges connues : les secteurs de tanière et d’élevage des jeunes notamment, ainsi que dans les zones d’alimentation automnale. Battons nous pour que l’ours brun, qui n’a jamais disparu des Pyrénées, survive encore longtemps dans ce massif où il cohabite avec l’homme depuis des millénaires.
Impacts directs de l'homme sur les populations
Destruction illégale :
Dans les Pyrénées, le braconnage a été une des causes principales de la régression de cette espèce au cours du XXème siècle. L'autodéfense des bergers vis à vis des ours prédateurs se traduisait par des actes de destructions. Actuellement, avec les indemnisations des dégâts et les aides à un meilleur gardiennage, ces risques sont considérablement réduits mais il peut toujours exister des actions de destructions illicites d'un spécimen.
Mais bien que sa chasse soit interdite depuis 1972, une trentaine d'ours ont tout de même été braconnés de 1976 à 2004...
Ces quatorzes dernières années, 3 ours (tous des femelles) ont été tirés dans les Pyrénées :
Mais outre ces 3 ourses d'autres individus qui ont pu être abattus sans que nous le sachions.
De plus, on sait de manière certaine qu'au moins 3 autres ours ont essuyé des tirs dans les Pyrénées ces dernières années :
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L'ours Papillon, retrouvé mort de vieillesse en juillet 2004 en vallée de Luz (Hautes-Pyrénées), présentait une soixantaine de plombs d'un diamètre de 4 mm, retrouvés lors d'une radiographie sous la peau, dans la tête et le flanc de l'ours.
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L'ourse Franska, tuée par une voiture en août 2007 dans les environs de Lourdes (Hautes-Pyrénées), présentait plusieurs dizaines de plombs de petit calibre dans l’arrière-train. A noter que depuis son arrivée dans les Pyrénées en 2006, elle a subi plusieurs traques.
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L'ours Balou a été tiré lors d'une battue aux sangliers en septembre 2008 en Haute-Ariège... Blessé sur une patte avant, ces jours ne semblent heureusement pas en danger.
Ainsi, que ces tirs aient été mortels ou non, au moins 6 ours ont fait l'objet de tirs dans les Pyrénées en 14 ans.
Actuellement, les principaux risques reposent sur des accidents, notamment lors de rencontres entre chasseurs et ours au cours de battues aux sangliers.
Enfin, depuis au moins une vingtaine d'années, il n'existe pas de cas documenté de mort par empoisonnement volontaire.
Trafic routier :
Les collisions avec les véhicules ou les trains constituent une autre source potentielle de mortalité.
Plusieurs cas ont été notés dans les Alpes italiennes ou en Slovénie. Le premier cas pyrénéen est intervenu le 9 août dernier, sur la RN 21 entre Argelès et Lourdes (Hautes-Pyrénées), qui a causé la mort de l'ourse Franska.
Ce risque s'accroît dès lors que la densité de route à trafic élevé est importante dans le domaine vital occupé par un ours.
A titre d'exemple, l'ours Boutxy (suivi par télémétrie entre octobre 1999 et mai 2002) a traversé 46 fois la route Nationale 20 en Haute-Ariège. Il s'agit d'un des axes routiers les plus fréquentés des Pyrénées, qui coupe le noyau de population oriental (Source : Bélanger, 2002). Lors des nombreuses traversées de Boutxy, nocturnes ou crépusculaires, une collision avec un camion avait déjà failli se produire.
C'est finalement ce qui s'est sans doute produit en août 2008, au petit matin : un ours a percuté un minibus sur la RN20, au niveau de Mérens-les-Vals. L'ours (encore inconnu) a été blessé lors de l'impact mais a visiblement survécu. Les analyses génétiques d'échantillons de poils et de sangs devraient prouver (ou non) qu'il s'agit de Boutxy.
En 2 ans, deux cas de collisions ont donc été recensés dans les Pyrénées. L'un mortel (2007), l'autre non (2008).
Impacts de l'Homme sur le milieu
Disponibilité alimentaire :
Si la Sylviculture actuellement pratiquée dans les Pyrénées n'a pas d'impact préjudiciable à ce jour,
la pratique courante d'élimination de vieux arbres (entrainant la disparition d'insectes xylophage...)
demeure sans nul doute préjudiciable.
Perturbation :
Diverses activités humaines peuvent engendrer des nuisances susceptibles de perturber le comportement et la physiologie des ours. Ces derniers sont d'autant plus sensibles qu'ils fréquentent des zones sauvages (Source : McLellan et Mace, 1985), où tout dérangement est par nature inhabituel.
L'intensité de la nuisance, le type de topographie, la densité du couvert végétal et le type d'individus influent sur le niveau de perturbation. La distance de sensibilité de l'ours est estimée jusqu'à 8 km (Source : Aune et al., 1984). L'impact négatif d'une route est très variable (0 à 1,5 km) selon l'intensité du trafic. Par ailleurs, l'ours semble plus sensible aux hélicoptères que les grands ongulés (Source : Harding et Nagy, 1980). Cet impact est particulièrement préjudiciable dans les zones refuges et d'élevage des jeunes utilisées par les ours.
Dans les Pyrénées centrales, une étude préliminaire montre que les ours peuvent, dans une certaine mesure, s'accommoder de la présence de l'homme à moyenne distance, dès lors qu'ils sont en milieu boisé (Source : Quenette, 2000). Mais on ne sait rien de l'impact, à moyen terme, des différentes activités humaines sur les ours (survie, fécondité, etc.). Les dérangements humains ont un effet différentiel selon la saison, l'âge et le statut reproducteur de l'animal. Ainsi, si un dérangement occasionnel (randonneurs, chasseurs) semble peu préjudiciable pour un mâle ou une femelle adulte, il peut avoir des conséquences beaucoup plus importantes sur une femelle accompagnée d'oursons.
Quelles activités sont susceptibles de provoquer des dérangements ?
Elles sont nombreuses.
Il s'agit principalement de la création, puis de l'utilisation, de routes, de pistes forestières et pastorales en pleine zone à ours. En fait, ce n'est pas la piste en elle-même qui est néfaste mais sa construction et son utilisation ultérieure. La piste, généralement créée par les forestiers pour accéder à une coupe forestière, va entraîner ensuite quantité de personnes (randonneurs, chasseurs, ramasseurs de champignons), de 4X4, de VTT, de motos qui pourront déranger l'ours.
Il y a également les battues aux sangliers au chien courant constituent une menace non négligeable pour la population d'ours des Pyrénées. En fait, si elles ne semblent pas avoir de conséquences particulièrement néfastes sur des ours adultes, elles sont très risquées pour les femelles suitées. Beaucoup moins mobiles, moins rapides et moins endurants que les adultes, les oursons ne peuvent s'échapper rapidement. Souvent, les chiens arrivent à rattraper la femelle et ses petits. Si le risque est faible qu'un chien tue un ourson en présence de l'ourse, le risque est beaucoup plus grand que la femelle, voulant défendre sa progéniture, se retourne contre les chiens. Ces derniers, apeurés, se réfugient la plupart du temps derrière leur maître. C'est alors que des ours sont tués par des chasseurs apeurés, "en légitime défense". Pourtant, il suffit de tirer plusieurs coups de feu en l'air pour faire fuir les animaux.
Mesures de conservation
La population française est très menacée. Pour que l’ours puisse survivre à long terme, il faut :
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Protéger son territoire.
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Cela ne veut pas dire : interdire la chasse, les coupes forestières et la transhumance. Au contraire.
Mais il faudrait limiter ces pratiques, notamment dans les zones refuges et d'alimentation.
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En Haut Béarn, de rares actions sont d'ores et déjà entreprises, comme les fermetures des pistes de débardage par des blocs ou le report de battues lorsqu'un ours est signalé sur un secteur où la chasse allait être pratiquée. Pourtant, elles ont montré leurs limites : l'ourse Cannelle a été abattue en novembre 2004 dans une zone où les chasseurs étaient avertis de sa présence ...
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Renforcer les populations. Les ours des deux noyaux sont menacés par la faiblesse des effectifs. Il faut donc relâcher des femelles (surtout dans le Béarn où il n'y a plus de femelle). Mais il ne faut pas penser que le remède miracle est le renforcement : il ne servirait à rien si le territoire de l’ours n’est pas protégé.